Dans le cadre des JACES (Journées Arts et Culture dans l’Enseignement Supérieur), du 31 mars au 6 avril 2025, la résidence ARIEL s’associe au Centre de Langues Yves Châlon (CLYC) pour lancer un appel à contributions auprès de toute la communauté universitaire.
Le but ? Prolonger la résidence de Puja Changoiwala, journaliste et romancière indienne, en réunissant un ensemble de contributions (textes courts, dessins, photos, collages) autour de la notion de l’exode, qui seront exposées au CLYC à partir du 31 mars.
Dans son roman Homebound, Puja Changoiwala évoque, en effet, l’exode des milliers de travailleurs indiens ayant perdu leur travail et forcés de quitter Mumbai pendant la pandémie de COVID 19 pour retourner, le plus souvent à pied, dans leur région d’origine.
Votre contribution peut s’inspirer d’une expérience vécue ou imaginée, ou d’un des trois extraits du roman Homebound ci-dessous (traduits en français de façon collaborative par des étudiants et enseignants de l’Université de Lorraine et des classes de CPGE des lycées Henri Poincaré de Nancy et Georges de la Tour de Metz)
Envoyez-nous vos contributions avant le 10 mars 2025 à l’adresse ariel-presse-contact@univ-lorraine.fr
RÈGLEMENT
1- Écrivez une histoire ou un poème en maximum 300 mots, ou créez un dessin / un collage / une photo autour de ce que représente pour vous la notion d’exode. Les textes peuvent être en français, anglais, arabe, allemand, espagnol, italien ou russe. Les contributions visuelles peuvent être accompagnées d'un court texte explicatif.
2- Envoyez votre contribution, avant le 10 mars 2025, à l'adresse ariel-presse-contact@univ-lorraine.fr
3- Précisez votre statut à l'université (étudiant, personnel BIATSS, enseignant).
Votre texte sera exposé sous votre prénom et l'initiale de votre nom. Les collaborations seront ensuite mises en ligne sur le site ARIEL.
L'équipe ARIEL vous remercie de votre contribution !
Extraits de Homebound de Puja Changoiwala :
Une fée tout de blanc vêtue : voilà à quoi ressemble cette bombe lacrymogène. Descendue sur terre dans une explosion d’or, jouant la sérénade de ses confettis, petites gouttes de diamant aux odeurs épicées, aussi incandescentes que le noyau de la Terre.
J’observe le spectacle depuis une bouche d’égout tandis qu’elle vise, de son sort maléfique, hommes, femmes et enfants migrants comme moi, qui courent pour lui échapper, pour fuir l’obscurité qu’elle projette dans leurs yeux, le feu qu’elle attise sur leur peau. Puis, toujours déterminée à les enchanter, la fée lâche ses petits elfes, des officiers de police armés d’un bâton de bois en guise de baguette magique. Les elfes font ce qu’ils savent faire : menotter les poignets des migrants de cercles d’acier ou de brides, les entasser dans leur traineau aux murs de fer, et se préparer à les livrer dans un monde inférieur. Pendant ce temps, la fée s’évanouit dans les airs, laissant derrière elle une atmosphère blanchie, une voûte céleste obscurcie.
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La route est dorée : on dirait une rivière d’asphalte éclairée par la lumière jaune pâle des lampadaires, comme un collier ornant la nuit. L'autoroute, libre et infinie, s'étend jusqu’à l'horizon au loin devant nous, remplaçant les rues étroites des banlieues de la ville. La route à six voies, l'artère nord-sud de Mumbai, est déserte, comme hantée. Quelle différence avec les jours d’avant le confinement, où elle grouillait quotidiennement de dizaines de milliers de véhicules ! Le bitume était alors si animé que les animaux errants l'évitaient et que les oiseaux s’abstenaient de voler trop bas. Aujourd’hui, la faune est bien là : des animaux se reposent le long de l'étendue de bitume, eux aussi en transhumance.
Alors que nous marchons sur l'autoroute, je remarque de petites silhouettes au loin. Des hommes et des femmes, jeunes et vieux, sveltes et robustes, tous marchant comme des mules, à trainer leur vie si simple dans des sacs à dos et des sacs en tissu encore plus simples. Les pères portent leurs enfants sur les épaules, et les mères leurs bagages sur la tête. Vêtus de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, ces bêtes de somme avancent avec une détermination résolue, cherchant à fuir la ville qu'ils ont construite et à atteindre le réconfort de leur vrai foyer, où leur fuite pourra prendre fin.
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Nous passons les trois heures suivantes à marcher jusqu’à ce que nous repérions, au loin, le poste de contrôle de Mulund. À chaque fois qu’un camion passe à côté de nous, Baba et Oncle Proton essayent de l’arrêter, espérant tomber sur quelqu’un qui nous prenne en stop. Aucun ne nous attend. Un des conducteurs leur roule presque dessus, si bien que nous décidons de nous en tenir à la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, et que nous marchons le long de la route, en file indienne. Je remarque que la route déserte raconte beaucoup d’histoires, celles d’hommes, de femmes, de familles migrantes comme la nôtre, qui ont parcouru l’autoroute ces derniers jours. Leurs chaussures déchirées gisent, éparpillées, sur la chaussée, avec leurs bouteilles d’eau vides et des journaux qui ont servi d’assiettes. Des empreintes de pas de toutes tailles tapissent le chemin boueux alors que le soleil se lève, mettant en lumière ces épitaphes en forme de chaussures.