Le 21 octobre 2022, Jan Carson intervenait auprès de la libraire 47° Nord à Mulhouse. Lors de cette soirée animée par Antoine Jarry, Jan a présenté son roman The Fire Starters, lauréat du prix de littérature de l’Union européenne pour l’Irlande en 2019 et finaliste du Dalkey Book Prize. S’en est suivie une séance de dédicaces durant laquelle l’autrice a pu se rapprocher de son public francophone.
L’occasion de découvrir quelles ont été les inspirations de Jan tout au long de sa jeunesse et pendant sa carrière d’écrivaine, d’Agatha Christie jusqu’à Bob Dylan, en passant par Hitchcock et Truman Capote. Et comment ces figures emblématiques lui ont permis de créer son propre univers comptant parmi les voix émergentes de la scène littéraire contemporaine, dans le contexte culturel et sociétal très particulier qu’est l’Irlande du Nord.
Jan nous a livré son parcours en tant qu’autrice, et en particulier les difficultés auxquelles elle a fait face pour avoir eu envie d’écrire sur son pays. Si la période des Troubles est au cœur de son roman, il a été très difficile au début de trouver un éditeur acceptant de publier un livre sur le sujet. Nombre d'entre eux refusaient les histoires sur l’Irlande du Nord, jugeant que cela n’intéressait plus le public et que cette ère était révolue.
Et pourtant, depuis cinq ans, nous sommes confrontés à une explosion de productions autour des Troubles, incluant de nouvelles approches sur le sujet, comme l’homosexualité ou la condition de la femme durant cette période. Ces nouvelles perspectives sont d’autant plus enrichissantes que pendant très longtemps, les récits ont été écrits par une majorité d’hommes (très souvent en colère) et qu’aujourd’hui nous avons l’occasion de lire des expériences, des histoires, le vécu de cette époque d’un point de vue beaucoup plus inclusif, mettant en lumière des minorités restées longtemps dans l’ombre.
Jan explique que dans son roman elle a voulu mélanger une vision réaliste à une dimension fantastique afin de pouvoir livrer sa propre version de l’histoire, et souligne l’importance de raconter ces histoires, aussi différentes soient-elles. Elle met également l’accent sur l’omniprésence de la religion et le fait de grandir au sein d’une communauté protestante, nous expliquant que « pendant très longtemps il a été difficile de penser par soi-même quand on nous dit au quotidien que faire, que penser, pour qui voter ».
C’est également cette dimension religieuse qui explique le manque de littérature fantastique au cours de ces cinquante dernières années en Irlande : c’est pour cela qu’il est important pour Jan Carson de continuer à écrire, à diffuser, à produire du contenu artistique parce que l’intérêt derrière tout cela est la libre interprétation d’une œuvre par les lecteurs. Elle est toujours curieuse de savoir ce que ceux-ci ont pensé, ont compris, et comment ils ont interprété ses romans.
Le personnage de Samy a été le premier qui lui est venu en tête, inspiré par des personnes rencontrées dans son rôle de médiatrice culturelle et d’animatrice d’ateliers d’écriture. Et à travers son personnage, qu’elle a travaillé pendant plus de 9 mois et avec lequel elle s’est sentie « cohabiter », elle a tenté de faire transparaitre les idées, les discours de ces personnes restées trop longtemps silencieuses alors qu’elles n’attendaient que d’être écoutées.
D’autre part, Jan nous a confié d’heureuses nouvelles concernant ses romans. Ainsi, après The Fire Starters, c’est au tour de The Raptures d’être sur le point de paraître en traduction française. Et les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là : si vous êtes impatients de découvrir les romans traduits, vous pourrez bientôt aussi les regarder à l’écran puisque The Fire Starters et The Raptures vont faire l’objet d’une adaptation cinématographique, tandis que The Last Resort sera adapté en comédie musicale. Cependant, vous saurez que Jan n’est pas encore complètement à l’aise avec l’écriture scénaristique et encore moins avec les comédies musicales.
Victoire Noé, M1 Bilangue-Biculture