Le jeudi 9 janvier 2025 a eu lieu la rencontre entre Philippe Claudel et Puja Changoiwala. Philippe Claudel est romancier et réalisateur lorrain, notamment connu pour son roman Les Âmes Grises, et parrain de la résidence d’auteurs ARIEL depuis la création de celle-ci. De son côté, Puja Changoiwala est l’auteure choisie pour représenter la résidence et exposer son travail durant le premier semestre universitaire de l’année 2024-2025. Elle est l’auteure d'un roman et d’ouvrages non fictionnels, et s’est notamment fait un nom dans le monde du journalisme. Elle travaille pour des journaux tels que le National Geographic ou encore Foreign Policy. Aujourd'hui journaliste indépendante, Changoiwala œuvre surtout pour les droits humains, ainsi que pour les questions sociales et écologiques en Inde, son pays d’origine.
Lors de cette interview d’une heure ouverte au grand public entre Philippe Claudel et Puja Changoiwala, cette dernière a expliqué son travail à un public intéressé et conscient de ces enjeux, aussi bien en sa qualité de journaliste qu’en sa qualité d’écrivaine. Elle a ensuite présenté son dernier roman, Homebound, traduit en français par les étudiants de l’Université de Lorraine et l’équipe d’ARIEL, et a annoncé l’arrivée de son prochain roman. Cette conférence a été l'occasion de rencontrer ou redécouvrir une femme à l’humour désopilant, aux multiples casquettes et au parcours inspirant.
Philippe Claudel s’est exprimé sur le choix qui l’a amené à choisir Puja Changoiwala pour représenter la résidence. Les différents talents de l'auteure l'ont finalement décidé. Le public a donc pu, en ce début d’année 2025, assister à la consécration de ce choix. Celui-ci a eu pour effet, lors de cette rencontre, de s'interroger sur des questions sociales et écologiques et sur leur perception dans des mégalopoles telles que Mumbai, bien connue de Puja Changoiwala.
Dès son plus jeune âge, l’autrice indienne raconte avoir observé des discriminations autour d'elle. En tant que jeune fille d’abord, et ensuite en tant que femme qui ne craint pas de dire ce qu’elle pense ou d’exercer le métier qu’elle souhaite. Elle souligne tout de même avoir été privilégiée, étant issue d’une famille aisée, mais consciente de ce qu’il se trame ailleurs : dans les bidonvilles, au sein des services de police, au sein du gouvernement… C’est ainsi qu’elle a développé une sensibilité accrue à toutes sortes d’injustices, ajoutant en riant : « Ma mère m’a toujours dit que j’étais une tête de mule ». La détermination de Puja Changoiwala l’a menée à devenir journaliste et provenait au départ de sa volonté de changer le monde. Elle dit avoir plus tard réalisé qu’elle ne pourrait pas changer le monde à elle seule mais, aussi longtemps qu’elle pourrait changer la vie de quelques personnes, alors elle continuerait d’exercer son métier.
La vision du changement de Puja Changoiwala s’est donc modifiée au cours du temps, mais son but est toujours demeuré le même : celui d’écrire pour informer, celui d’écrire pour aider. Changoiwala est une journaliste de terrain, une journaliste du social et une écrivaine sensible aux faits aussi bien qu’aux ressentis individuels. Elle a expliqué, au cours de cette discussion, vouloir contrer la désinformation ambiante de ces dernières décennies, y compris en se mettant à la fiction, ce qu'incarne son premier roman Homebound. C’est ainsi qu’elle apporte sa pierre à l’édifice.
En réaction, Philippe Claudel a évoqué sa propre vision de la littérature comme « un pas de côté ». Pour lui, les journalistes cherchent aujourd’hui constamment, malgré eux ou non, le sensationnel. Tout doit arriver vite, être écrit au plus vite, être transmis aussi rapidement que possible. Il explique qu’à ses yeux, la littérature échappe à cela, qu’il y existe un processus de distillation.
Les deux écrivain.e.s ont à cœur de discuter de sujets tels que celui des exodes économique ou écologique. Homebound porte justement sur une famille de travailleurs migrants indiens qui se doit de quitter Mumbai à pied lors de la crise du Covid-19 car il est impossible pour eux de continuer à travailler et à gagner leur vie dans ces conditions.
Finalement, cette rencontre, bien que teintée d’humour et d’un esprit léger et optimiste, porte sur le monde un regard grave et sévère. Le changement climatique plane au-dessus de nos têtes. Philippe Claudel et Puja Changoiwala, tentent tous deux de prévenir des dommages que cette situation écologique pourrait engendrer sur l’espèce humaine. Il est temps d’écrire et d’informer à son échelle ; il n’est plus temps de regarder ailleurs.
Louise AUER, étudiante de L3 LLCER Bilangue-Biculture



