Le 14 novembre 2024, au lycée et CPGE Henri Poincaré de Nancy, s’est déroulée la rencontre Calligramme entre Puja Changoiwala et son public nancéien. Ce fut pour nous, anciennes étudiantes de Khâgne, l’occasion d’arpenter de nouveau les couloirs que nous avons connus, et de revoir la mythique salle Fayolle, où s’est tenue hier cette rencontre.
Après une courte introduction d’Hélène Stricher, professeur de littérature, ce sont ses élèves de Khâgne qui ont animé la séance en posant des questions à Puja tout en assurant l’interprétariat pour le reste de la salle. L’auteure a ainsi pu exposer son processus d’écriture, qui, à première vue, peut sembler particulier car loin de l’image fantasmée de l’écrivain tourmenté par sa muse. Comme le dit l’auteure, ‘I don’t have a message, I have an agenda’ ('Je n’ai pas de message, mais un but à atteindre') ! En effet, au-delà de la créativité, c’est la soif de vérité qui anime l’auteure et qui la pousse chaque jour à suivre son emploi du temps d’écriture, qui peut paraitre strict. Pour elle, la fiction est un moyen détourné de montrer les dessous de la réalité, et de la rendre plus accessible à son lectorat. C’est également pour elle le chemin le plus sûr vers la vérité (‘the safest way to say the truth’), dans le contexte politique parfois tourmenté de l’Inde.
Lors de cette rencontre, Puja Changoiwala a pu exposer ses débuts en tant que journaliste, en commençant par l’origine de sa vocation journalistique qui, comme chez Meher, l’héroïne de son roman Homebound (2021), est née alors qu'elle était encore très jeune. C’est en 2008, lors d’une attaque terroriste à Mumbai, que la jeune Puja, après s’être précipitée sur les lieux de l’attaque pour se retrouver au cœur de l’événement, décide de devenir journaliste. Dès lors, elle n’a cessé de cultiver sa colère pour les gens qui ne peuvent se le permettre, et ainsi de donner une voix à ceux qui ne peuvent s'exprimer C’est également une des raisons qui la pousse à contribuer à la sphère littéraire: si la littérature a une chance, même infime, de faire changer les choses, c’est une chance qu’elle se doit de saisir. Ainsi, Homebound est pour elle le moyen de mettre en lumière les atrocités nées de la crise du Covid en Inde, et qu’elle a rencontrées lors de ses nombreuses entrevues avec des migrants indiens. Bien que la famille de Meher soit fictive, les obstacles qu’elle rencontre sont eux, bien réels, et méritent d’être montrés au grand public
Puja s’est ensuite exprimée sans filtre sur le métier d’écrivain : bien qu’il soit impensable pour elle de faire autre chose qu’écrire, elle en reconnaît les difficultés. Au-delà des possibles rejets professionnels qu’implique le métier, écrire est avant tout pour elle l’acceptation d’une vie de remise en doute. Mais les écrivains en herbe ne doivent pas se décourager pour autant : ‘Hang in there, because it happens’ (Il ne faut pas désespérer lors des moments difficiles, parce que tout finit par arriver). Ces moments de doute peuvent survenir à tout moment dans la carrière d’un écrivain. Elle a ainsi confié s’être momentanément détournée de son projet initial de roman dystopique, Pride Dominion, pour se concentrer sur un autre qui a germé après son arrivée à Nancy. Pour l’auteure, il est important de saisir les occasions, et de ne pas se forcer à travailler sur des projets qui ne vous correspondent pas. Ce nouveau projet porte ainsi sur l’histoire d’une journaliste qui, après avoir révélé des informations compromettantes, se retrouve accusée d’être une terroriste par son gouvernement, comme cela a pu arriver à Puja : ‘It’s a world I know’ (C’est un monde que je connais), confie-t-elle.
Cette rencontre inspirante s’est conclue sur les riches interventions du public, encadrées par Pierre-Yves Coudert, professeur de littérature et civilisation anglaise, qui s’est chargé de leur traduction auprès de Puja.
Solène Rossion, M2 Mondes Anglophones
