Le 25 janvier se sont tenues les deux dernières rencontres organisées par la résidence d’auteurs ARIEL entre Puja Changoiwala et le public du grand Nancy, dans le cadre des Nuits de la Lecture 2025, consacrées au thème du patrimoine cette année. Plusieurs sujets ont été évoqués au cours de cette journée, toujours liés à des problématiques écologiques, sociales mais aussi linguistiques. L’équipe d’ARIEL a donc accompagné Puja Changoiwala sur toute la journée à la rencontre de différents publics. L'autrice, toujours intéressée par les autres avant tout et les histoires qu’ils ont à raconter, ne s’est pas départie de sa joie de vivre ni de son humour habituel. Elle porte un œil critique sur tout, en tant que journaliste, et reste toujours à l’écoute.
Il nous a paru important d’insister sur cet aspect qui définit son caractère, parmi tant d’autres choses. L’une des questions qui lui a été posée au cours de cette journée est celle de l’authenticité qui transparaît dans son écriture, tant du point de vue du style que de certains mots qu’elle choisit d’employer dans sa langue maternelle, l’hindi. Bien que Changoiwala écrive majoritairement en anglais, elle tient à préserver cette authenticité de sa langue ou de ses langues : celle qu’elle parle avec sa famille, celle qu’elle emploie avec les personnes qu’elle interviewe et celle qu’elle utilise pour écrire. En somme, un joyeux méli-mélo bien à elle. C’est ainsi que l’écriture de l’autrice indienne se teinte parfois d’humour, voire de vocabulaire plutôt cru. C’est ce qui représente, d’après elle, au mieux la réalité dans ses écrits. C’est ce qui peut aussi, parfois, représenter la violence car elle ne prend jamais de pincettes. Dans son premier roman, Homebound, on retrouve beaucoup d’injures en hindi, qu’elle n’a pas souhaité traduire en anglais. Au-delà de l’authenticité qu’elle a voulu garder intacte, cela met en valeur la société multiculturelle dont l’autrice est issue et l’impossibilité de traduire exactement certains termes qui ont une définition bien à eux dans leur langue d’origine. Cela, dit-elle, préserve la richesse de la langue.
Pour autant, elle précise aussi que tout le monde ne maîtrise pas nécessairement l’anglais en Inde, seules les personnes ayant reçu une éducation étant en mesure de le parler correctement. Elle tire ainsi le portrait de la société indienne à travers ses mots. Elle s’adresse au public devant elle, très simplement, leur raconte les castes, les superstitions religieuses, les discriminations, les fossés entre pauvres et riches et son éducation à elle, celle qu’elle a reçue, la chance dont elle a personnellement bénéficié, et la place de l'anglais qui est, en Inde, un marqueur de « bonne éducation » et de réussite.
Tandis que la rencontre du matin s’est surtout focalisée sur des questions d’héritage, celle de l’après-midi a davantage porté sur des traditions religieuses surprenantes et des exemples de discriminations. Changoiwala a également eu l’occasion de lire au public attentif quelques extraits de Homebound. A la fin de ces lectures, le public a pu lui poser quelques questions. L'autrice a su répondre de façon concise à chacune d’entre elles, et toujours avec bienveillance. Une de ces questions nous a marquées, ou du moins la réponse que Puja Changoiwala a donné. La question était la suivante : « Que pouvez-vous dire du poids des réseaux sociaux en Inde ? ». A cela, l’autrice s’est empressée de répondre la chose suivante : « L’Inde est la capitale mondiale de la désinformation ». Elle nous a raconté, à partir de cette déclaration, comment certaines personnes en Inde ont, pendant la pandémie de Covid-19, donné des confiseries à leur déesse favorite afin de ne pas tomber malades car ils avaient vu ce conseil circuler sur les réseaux sociaux. La grand-mère de l’autrice avait même entendu dire qu’il était utile de répandre de l’urine de vache (animal sacré en Inde) autour de sa maison pour se protéger. Et dans le but de se protéger contre l’épidémie, une « déesse du coronavirus » a été invoquée et vénérée par certains Indiens.
Puja Changoiwala affirme se reconnaitre en la protagoniste Meher de son roman Homebound, une jeune fille qui dit ce qu’elle pense et qui semble critique de certaines traditions de son pays. Même avec toute l’affection que Changoiwala porte à son pays, elle est convaincue que certaines traditions vont trop loin.
Malgré ces anecdotes qui prêtent à sourire, l’autrice nous met en garde à travers son humour. Ses prises de parole contiennent des avertissements à faire attention à la désinformation, à ne pas donner crédit à n’importe quelle superstition. Cela vaut pour l’Inde mais pour n’importe qui d’autre. Alors, même si l’autrice vous répond avec un sourire espiègle ou un ton rempli d’ironie, le propos n’en demeure pas moins très sérieux.
Louise AUER, L3 LLCER Bilangue-Biculture, Adèle BOURLANGE, L1 LEA, et Kiara HOLVECK, L2 LLCER Bilangue-Biculture
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