Premier atelier d'écriture avec Slata Roschal

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Slata Roschal

      Le kitsch, ça vous parle ? Tel fut le thème de l'atelier d'écriture proposé par Slata ce mardi 10 octobre au soir sur le campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy.

      Le grotesque, l'excès, la clarté, les nains de jardin devant les maisons, Barbie ou encore Twilight : parfois qualifié de « too much », le kitsch existe depuis bien longtemps. Il est évoqué par Bourdieu dans Esthétique des corps et représentations kitsch, où l'écrivain nous explique que nous sommes formés d’habitus qui s’inscrivent dans nos corps, nos gestes, et qui, de fait, reflètent notre appartenance à une classe sociale. On croit que l’aristocrate en est réellement un parce qu’il en porte le costume ou parce qu'il en a la gestuelle mais au final, la notion du « naturel » finit par perdre son sens. Ainsi, Slata Roschal nous invite à réfléchir à cette question en évoquant le « syndrome du concierge », dans lequel ce dernier finit par se convaincre qu’il est la personne la plus importante de l’immeuble.

Lorsque l'on dit qu’un objet est kitsch, on émet un jugement de valeur, on se place au-dessus. On dit par exemple que telle œuvre d’art n’est « pas un de Vinci » ou un « Van Gogh », mais relève plutôt du primitif, du vulgaire. L'art vrai est alors censé être grandiose. En somme, il s'agit d'une vision simplifiée des choses, un goût d'élitiste, qui, d'après nous, nous donne un statut social plus élevé. Son origine ? Cet art a émergé avec l'apparition du capitalisme et avec l'idée que tout peut s'acheter.

Effectivement, une scène qui illustre bien cet aspect du kitsch figure dans le film  « Opération Y et autres aventures de Chourik », un film de 1965, dans une période où la société de consommation bat son plein. Cette scène, commentée par Slata, présente un marché où se vendent des bibelots, des chats décoratifs ou encore des tableaux clichés tels que des sirènes ou alors une femme assise sur un banc près de l'eau, dans un parc aux côtés de cygnes. N'est-ce pas là le genre d'objet que l'on achèterait juste parce que c'est joli et que cela fait savant ?

Le kitsch peut aussi avoir un lien avec l'image que nous, mais aussi les autres, avons de nous-mêmes. Lors de la remise des diplômes, nous mettons un costume ou une tenue habillée car c'est ce qui est attendu de nous. Le kitsch est alors, selon l'analsye bourdieusienne, en lien avec l’image que l’on veut donner de soi et doit être mis en lien avec le concept du post-modernisme.

Pour rejoindre les propos du sociologue, Slata nous a fait écouter un enregistrement d'un des cours universitaires donné par Nabokov sur les gens vulgaires et la vulgarité. En fait, la vulgarité est présente dans la publicité par l'usage de l’équation simpliste bonheur  = consommation. De cette manière, elle se nourrit de stéréotypes qu’elle reconduit.  Par exemple, à l'approche d'Halloween, vous avez sûrement déjà en tête la couleur orange des citrouilles. De plus, le regard capitaliste encourage l'idée que tout peut s’acquérir. C'est pourquoi, pour Nabokov, la vulgarité est dans cette superficialité, cette imitation, une version simplifiée de choses reproductibles à l’infini.

C’est par ailleurs quelque chose qui existait aussi dans l’URSS. En effet, Slata donne l’exemple de ses parents qui possédaient une belle édition des poèmes de Mandelstam, célèbre poète acméiste. Avoir un tel livre apporte un cachet culturel certain à la bibliothèque, mais la question demeure : l’avaient-ils lu ? C’est moins sûr !

Mais quelle place a le kitsch dans la littérature ?

Le kitsch en tant que « genre » s’appuie sur les clichés, les stéréotypes. Slata prend à titre d’exemple un faux guide touristique du nom de « Molwanîen » qui joue sur les stéréotypes à la fois des Slaves du Sud et des touristes allemands qui visitent ces pays.

La séance s'est terminée par une discussion d'un livre souvent considéré comme emblématique du kitsch : 50 nuances de Grey. Oui, le genre de livre qu'on a un peu honte de tenir entre les mains au moment de passer à la caisse en raison du pegi 18, mais qui est un formidable nid du kitsch.

  • Que dire de la couverture du livre ?

Une cravate, un stéréotype. De quoi ? Masculinité, Statut, réussite sociale, succès…

  • Que dire de la description ?

On est dans une histoire à la Cendrillon : l’homme milliardaire est un prince charmant, avec un twist SM. Elle, une « petite souris grise » à côté de lui, tout intimidée…

En étudiant l’extrait de la « rencontre », on peut relever certaines caractéristiques stylistiques telles que la narration à la première personne et le partage par le personnage principal de ses émotions et impressions via un monologue intérieur, semblable à un reportage journalistique. Quoi d'autre ? Les descriptions abondent en détails inutiles, les clichés et hyperboles sont omniprésents. On note aussi des contrastes simplistes comme la collision entre deux individus appartenant à deux mondes diamétralement opposés. L'héroïne rencontre le prince charmant et ne se sent pas à sa place. Tout un paragraphe pour décrire son sentiment d'être en décalage alors qu'une phrase suffirait !

En lisant les commentaires des lectrices, nous avons alors pu observer une réception assez mitigée du livre. Entre identification ou lecture consternante, les avis sont contrastés… Ce qui nous amène à l'objectif de notre deuxième séance : écrire un texte kitsch sur le thème « L'automne à Nancy ». A suivre !

Texte de Hind Kalyuzhnaya, M1 Bilangue-Biculture ; photos de Léo Marchal, L2 Russe

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