Le pouvoir de la parole concrète selon Laura Fusco : rencontre à la librairie Le Neuf de St-Dié

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Laura Fusco

 

25 novembre 2019

Le recueil poétique Limbo signe une volonté de donner la parole à ceux qui fuient leur pays dans l’attente de jours meilleurs : les migrants, en particulier les femmes migrantes, que l’artiste a pu rencontrer et qui « sont tombées dans [son] âme ».

Samedi 23 novembre, la ville de Saint-Dié-des-Vosges a eu le plaisir d’accueillir la poétesse italienne Laura Fusco. Après avoir collaboré avec des hôpitaux, des universités du monde entier et participé à divers salons littéraires, elle a pu présenter son recueil Limbo au sein de la librairie Le Neuf. Aux côtés de Giorgia Bongiorno, maître de conférences, et d’Olivier Huguenot, libraire, l’artiste s’est confiée sur son art dans le cadre de cette nouvelle rencontre ARIEL. Sous les yeux d’une salle pleine, Laura Fusco a lu plusieurs de ses poèmes, d’abord dans sa langue maternelle puis traduits pour un public majoritairement francophone.

 

Limbo, ou la temporalité du voyage migratoire

Laura Fusco justifie la longueur des poèmes publiés dans Limbo par une temporalité de l’attente. Cette même attente que vivent les migrants, perdus dans les limbes entre l’enfer d’une terre fuie et le paradis espéré. Au cours d’un voyage à Paris, la poétesse s’est rendu compte de la « réalité violente, très dure » des « camps spontanés […] mêlés avec la vie parisienne […] normale ». Ce constat d’une « contradiction déchirante » lui a inspiré ce recueil poétique écrit en à peine trois mois et qui transpire la « réalité de suspension » vécue par ces exilés malgré eux. Ainsi, bruit et silence assourdissants rythment un périple éreintant, jamais totalement achevé.

Une œuvre « poreuse »

Il ne fait aucun doute que la poésie de Laura Fusco est « disposée à dialoguer avec d’autres dimensions esthétiques », comme l’indiquent ceux qui la présentent. En effet, la poétesse n’hésite pas à user de ses talents de performeuse et à intégrer une sonorité, des images et des références littéraires implicites à ses écrits, comme elle l’a déjà fait avec les œuvres Fiori di garza et Da da da. Ce mélange des arts sert le recueil Limbo, lui permettant de ne former qu’une seule et même voix artistique, infiniment humaine.

La volonté d’une parole concrète et accessible

Dans le poème « Le chant contre l’exil », la poétesse écrit : « Le soir, je suis allée parler aux esprits, ils m’ont dit : sois notre parole ». Son œuvre respire cette volonté, ce besoin vital de transmettre après avoir vécu. On peut parler d’un recueil-reportage qui « donne une voix » aux anonymes. La parole poétique se fait alors action, formant un « activisme poétique international ». Sans être politique ni accusatrice, elle sert la cause humaine en montrant une réalité rude, une épopée dramatique mêlée à des aventures miraculeuses, pour qu’enfin chacun ouvre les yeux. L’utilisation d’un lexique simple, d’un mélange des éléments entre feu brûlant et mer meurtrière, provoquent chez le lecteur une empathie éclairée. Cette prise de conscience est à la portée de n’importe qui. Ainsi, nous pouvons tous accueillir les mots et nous les approprier, n’en retirant finalement qu’une conclusion, qu’un héritage : « Jamais plus : nos enfants morts. »

Texte : Manon George, M1 études européennes et internationales (communication) au CEU

Photos : Charlène Konne, L2 bilangue-biculture

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Laura Fusco à la librairie Le Neuf de St-Dié