Jan Carson au lycée Jacques Marquette de Pont-à-Mousson

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Jan Carson

Le jeudi 17 octobre 2022, Jan Carson a passé la journée au lycée Jacques Marquette de Pont-à-Mousson. Au programme : 3 sessions de 2h chacune – avec des élèves de 1ère et Terminale LLCER et AMC – organisées selon une trame commune.

Chaque session a débuté par une courte présentation de l’auteure, de son œuvre et du contexte séparatiste dans lequel elle a grandi, en Irlande du Nord. À l’appui d’une citation de James Nesbitt (« It’s a complicated relationship with the place one grows up in, particularly if that place is Northern Ireland »), elle a expliqué aux lycéens que la relation entre une personne et sa ville ou région natale est nécessairement compliquée, d’autant plus en Irlande du Nord. Après cette courte introduction, les mots de notre auteure en résidence ont été teintés d’amertume et d’aigreur à l’égard des Anglais qui, comme Jan l’a expliqué, ont eu tendance, à travers l’Histoire, à prendre les terres d’autres peuples. Or, quel pays était le plus facile à conquérir en raison de sa proximité géographique ? L’Irlande. Cela a permis à notre quatrième auteure invitée d’expliquer que l’histoire de l’Irlande est avant tout marquée par le conflit et la violence, notamment la période des Troubles, qui a vu s’affronter des groupes paramilitaires catholiques et protestants. En effet, l’Irlande a toujours été scindée en deux communautés, deux façons de penser : « In Northern Ireland, there are two sides to everything », l’auteure a-t-elle souligné. Pour illustrer le contexte violent et séparatiste dans lequel elle a grandi, Jan Carson a notamment pris l’exemple de l’attentat d’Omagh ayant été perpétré en 1998 par un groupe de l’Armée Républicaine Irlandaise opposé à l’accord du Vendredi saint. Le 15 août 1998, un appel anonyme a alerté de la présence d’une bombe devant le palais de justice. Or, la bombe se trouvait en réalité à 300 mètres de ce lieu. Pensant que la bombe était effectivement devant le palais de justice, les personnes se trouvant dans les zones environnantes ont été évacuées vers Market Street, à l’endroit précis où était en fait la bombe. Cette explosion fit 29 morts et environ 220 blessés, et illustre parfaitement la désillusion des Irlandais qui, en 1998, pensaient enfin avoir trouvé la paix après la signature de l’accord du Vendredi saint.

Jan Carson a ensuite expliqué aux lycéens le lien entre ce contexte et son métier. En 1998, catholiques et protestants ne se connaissaient pas, ne se mélangeaient pas : comment, donc, faire en sorte qu’ils se rencontrent et apprennent à se connaître ? À travers l’art, selon Jan : « Art brings people together », comme elle l’a si bien expliqué. À l’aide de deux anecdotes tirées de son expérience en tant que « community arts facilitator », Jan a su montrer aux lycéens que l’art était vecteur d’union, d’harmonie et de collaboration :

  • Il y a 6 ans, elle était en charge d’un projet auquel participaient plusieurs femmes protestantes qui écrivaient de courts textes à propos de leur enfance. Une femme a rédigé une histoire sur le magasin de bonbons où elle avait l’habitude d’aller en sortant de l’école. Lors d’une lecture publique de certaines de ces histoires, un homme a déclaré qu’il avait, lui aussi, l’habitude d’aller chercher des bonbons dans ce magasin. Le simple fait d’écrire à propos de leur enfance leur a permis de se rapprocher.
  • Jan a également travaillé pendant 2 ans avec des personnes âgées à la fois protestantes et catholiques. Elle leur a demandé de rédiger des textes sur leur expérience de la période des Troubles. Une femme protestante a rédigé un poème sur son fils, qui a été tué par l’Armée Républicaine Irlandaise pendant cette période sanglante. Une femme catholique est alors intervenue pour dire que son mari avait également été tué par un groupe paramilitaire et qu’elle comprenait parfaitement ce que la première pouvait ressentir. Elles se sentaient connectées l’une à l’autre, ce qui montre bien que l’art peut rassembler les gens.

Une session de questions-réponses entre Jan et les élèves du lycée a ensuite permis à ces derniers d’en apprendre davantage sur notre quatrième auteure invitée, son processus d’écriture, ses sources d’inspiration et les conseils qu’elle donnerait à quiconque souhaite vivre de sa passion pour l’écriture. La transcription de certains de ces échanges se trouve à la suite de cet article

Après chaque session de questions-réponses, Jan Carson a animé un atelier d’écriture créative au cours duquel elle a encouragé les lycéens à écrire de courtes histoires en réaction à certaines photographies. Elle a ainsi rappelé les éléments essentiels d’une histoire à travers une simple formule : « character + situation = plot ». Notre quatrième auteure ARIEL a demandé aux élèves de chaque groupe de choisir une photo parmi cinq, puis une personne présente sur cette photo, de lui trouver un nom et de décrire cette personne à travers 6 faits. Ensuite, pour qu’ils apprennent à mieux connaître leurs personnages, les élèves ont dû trouver quels étaient leurs qualités, leurs défauts, leurs envies et leurs peurs. Jan les a encouragés à participer et à parler de leurs personnages afin de leur donner vie, et leur a expliqué que, peu importe la situation, leurs personnages resteront toujours les mêmes. Pour illustrer cette idée, elle a demandé aux lycéens d’écrire un court paragraphe autour de trois questions centrales :

  • Que se passe-t-il au cours de l’histoire : quel est l’événement central ?
  • Quelles émotions le personnage principal ressent-il face à cet incident ?
  • Quelles sont les conséquences de cet incident sur le personnage principal ?

L’idée était ainsi d’écrire de courtes histoires racontées à partir de la perspective des différents personnages créés par les lycéens : une expérience que les élèves du lycée Marquette n’oublieront pas de sitôt !

En guise de devoirs, Jan Carson leur a demandé de regarder la série Derry Girls ainsi que le film Good Vibrations. Ce biopic illustre la façon dont la scène musicale nord-irlandaise n’a, étrangement, pas été impactée par la division entre catholicisme et protestantisme qui régnait lors de la période des Troubles à Belfast. Néanmoins, selon Jan, l’une des meilleures façons d’en savoir davantage sur cette période est de regarder la série Derry Girls, qui présente le conflit irlandais sous toutes ses facettes. En effet, la période des Troubles n’était pas seulement violente et effrayante ; c’était aussi une période durant laquelle les adolescents dansaient, chantaient, et se préoccupaient souvent plus de leur apparence que de la politique. Derry Girls n’offre pas seulement un commentaire sur le conflit politique irlandais, mais aussi, et surtout, sur la façon dont les adolescents vivaient leur vie en dépit du chaos qui les entourait.

Article rédigé par Doriane NEMES (M2 Mondes Anglophones)

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