Dans le cadre de la résidence ARIEL, Jan Carson est intervenue le 10 novembre 2022 devant deux groupes d’élèves du Lycée Georges de la Tour à Metz. Parmi les élèves, certains étaient des admirateurs de son oeuvre et n'ont pas hésité à saisir l'occasion pour lui poser des questions sur ses sources d'inspiration et sur le processus pour devenir un auteur publié.
Pendant la présentation de Jan aux lycéens, ceux-ci ont été complètement captivés par son histoire, et pendant l'atelier d'écriture créative, il y avait beaucoup d'enthousiasme dans la salle, tant de la part des élèves qui écrivaient des histoires pour un e-book qu'ils publieraient plus tard, inspiré du travail de Jan, que de la part des élèves musiciens qui étaient présents pour capturer l'essence de l'écriture et pouvoir plus tard composer de la musique sur les histoires créées par leurs camarades de classe.
Puis Jan Carson a rencontré les étudiants de la classe préparatoire littéraire du lycée, qui avaient étudié des extraits de The Fire Starters en classe et écrit de courts textes en anglais sur le modèle de ses Postcards Stories, que Jan était ravie d’emporter avec elle pour en faire la découverte.
Cette rencontre a été l’occasion pour les élèves de faire le lien entre les événements historiques des Troubles, de 1969 à 1998 en Irlande du Nord, et l’histoire personnelle de l’autrice, née pendant cette période violente. Jan a également profité de plaisanteries sur son accent, dit "Scott Gaelic", pour réaliser un point historique sur la séparation des Irlandais catholiques et protestants. Elle a souligné le poids de cette ségrégation dans l’Irlande du Nord dans laquelle elle a grandi quand enfant, elle pensait qu’il était banal de croiser des militaires sur le chemin de l’école ou de s’endormir avec le bruit des hélicoptères. Elle a confié aux élèves que même si c’était un soulagement immense pour elle et sa famille de n’avoir perdu aucun de leurs proches, ce fut un choc pour la petite Jan de découvrir que ce qu’elle vivait était induit par la haine de l’autre.
Si la période des Troubles s’achève en 1998, la ségrégation entre catholiques et protestants se poursuit dans la séparation des habitants, à travers les écoles, par exemple, qui étaient à plus de 90% ségrégationnistes pendant l’enfance de Jan : les enfants ne parlent alors pas la même langue, n’apprennent pas la même histoire nationale, ne jouent pas aux mêmes jeux et n’écoutent pas la même musique selon leur confession. La première école qui a éradiqué la religion, Lagan College, a ouvert ses portes en 1981. Elle représente l’espoir de l’Irlande du Nord aux yeux de Jan. De plus, Jan Carson souligne que si la fin des Troubles a signé le début d’une période de paix et d’espoir, des émeutes et attentats sur le territoire font encore des victimes : elle cite la mort de la journaliste Lyra McKee à qui elle rend un émouvant hommage en rappelant qu’elle a été tuée à 29 ans, alors qu’elle couvrait une émeute à Derry le 18 avril 2019. Le meurtre de la jeune femme, considérée comme une étoile montante des cercles médiatiques d’Irlande du Nord, a été vécu comme un coup de poing dans l’estomac pour l’autrice. Ce point historique est conclu par une citation que Jan Carson affectionne tout particulièrement : “A nation that keeps on the past is blind. A nation that keeps two eyes on the past is blind” - et qui lui permet de rappeler qu’il est important d’honorer les victimes du passé mais qu’il est plus que nécessaire de se tourner vers le futur. Elle exprime alors sa fierté pour les jeunes Irlandais, qui lorsqu’elle les rencontre lui affirment ne pas se poser de question sur leur appartenance religieuse mais plutôt sur les problématiques environnementales, et qui se soucient d’aimer la personne de leur choix et de soigner leur
santé mentale avant tout.
Enfin, lorsque les étudiants lui ont remis leurs courts textes, inspirés des Postcards stories, ils se sont montrés curieux sur le processus de création de Jan Carson, et elle leur a listé quelques conseils pour s’exercer à écrire. Elle préconise tout d’abord de lire et de prendre des notes sur ce qui nous plaît, nous marque, dans une description, un dialogue, etc, afin de s’en inspirer. Il est primordial selon elle de dépasser notre perfectionnisme naturel et de se
rappeler que le premier jet ne sera jamais comme on l’entendait, mais qu’il peut être perfectionné par des relectures. Une bonne façon de faire sonner notre langue est alors de lire à voix haute ce que l’on écrit, une technique qui lui a valu la réputation de folle dans tous les cafés où elle travaille, a-t-elle souligné d’un air malicieux. Pour ce qui est du champ de l’imaginaire, nous pouvons élargir nos perspectives en nous entraînant à tout observer - non seulement ce qui nous importe mais aussi les moindres détails du quotidien - afin d’être ouverts à voir des histoires partout. Enfin, elle rappelle qu’il ne nous servira pas de nous imposer une routine d’écriture qui ne nous convient pas (comme se lever à cinq heures du matin) : Jan met en exergue la pertinence de se connaître soi-même, “Learn what kind of
artist you are”.
Ces deux interventions de Jan Carson au lycée Georges de La Tour ont suscité un grand enthousiasme parmi les élèves et les professeurs.
Kassandra Barra Rosas, LP Animation réseaux numériques, et Clémentine Engrand, L3 Etudes culturelles